Mad Professor & Prince Fatty + Raging Fyah @ L'Ouvre Boite (60)
Vendredi 03-04-2015
L'Ouvre-Boîte, Beauvais (60)
L'Ouvre-Boîte nous réserve ce soir une affiche assez exceptionnelle, fruit de la rencontre de deux tournées : une qui s'achève pour Raging Fyah (avant-dernière date avant trois autres en Nouvelle Calédonie) et l'autre, Dub Attack !, dont c'est la première date. C'est également deux grands courants qui se confrontent avec d'un côté la musique jouée par un groupe de musiciens et de l'autre une évolution du sound system classique puisque les morceaux existent déjà mais sont retravaillés en direct.
Les portes sont à peine ouvertes que Raging Fyah entre déjà sur scène. Sont-ils prêts ? Assurément oui, le chanteur Kumar Bent nous dit qu'ils vont jouer quelques riddims mais en fait c'est le concert qui commence directement avec "World A People" devant une vingtaine de personnes ! On sent que ce concert quasiment privé va être calculé au plus juste au niveau de la durée. Les titres s'enchaînent, "Nah Look Back", l'excellent "Step Outta Babylon" qui évoque indéniablement Aswad puis "Irie Vibe"┬á occasion d'un échange de yeah oh avec le maigre public. Pour le moment, on respecte le programme habituel de cette tournée européenne. Quelques salutations et le groupe poursuit avec "Jah Glory", ce qui signifie un premier coup de rabot sur le set usuel, nous passerons donc à côté de l‘excellent "Music Isn't Biased" mais également du medley "Don't Haffi Dread" / "Jah Live" / "No Woman No Cry" incorporé à "Jah Glory" sur cette tournée. Le temps est compté et c'est vraiment dommage car au niveau musical c'est du lourd.
Nous sommes donc déjà dans la dernière ligne droite avec "Running Away", "Behold" et "Judgement Day" à l'introduction aux allures de décollage spatial. L'atterrissage est assez brutal puisque "Barrier" from Destiny album sera la dernière chanson après trois quarts d'heure qui sont passés à une vitesse folle, les morceaux étant très bien construits et vraiment bien développés musicalement en live. Nous manquerons donc aussi "I & I" qui donne habituellement lieu à la présentation des musiciens. Rendons leur justice car ils le méritent amplement : aux claviers, Demar Gayle qui est aussi désigné comme le musical director du groupe ; à la guitare, Courtland 'Gizmo' White que l'on avait déjà vu derrière les Abyssinians, il y a quelques années ; au chant et guitare rythmique, Kumar Bent ; à la batterie, Anthony Watson ; à la basse, Delroy 'Pele' Hamilton et enfin aux seconds claviers et sampler, notamment pour remplacer les cuivres sur "Barrier", Andre 'Spida' Dennis. Un excellent groupe, qui comme Jah9 la semaine passée, nous promet de bons concerts à l'avenir avec ce mouvement Reggae Revival. La course contre la montre n'est pourtant pas terminée car tous (techniciens et groupe) participent au changement de plateau pour cette Dub Attack qui se prépare sur un fond sonore de Slum In Dub de Gregory Isaacs.
Il est un peu moins de 22 heures quand Prince Fatty prend place derrière ses machines dans une certaine indifférence. Il enchaîne alors les classiques roots quelque peu remixés et le public accroche bien dans l'ensemble, chaque fin de chanson étant ovationnée comme il se doit. Le britannique montre ses remerciements en joignant ses mains devant son visage et s'inclinant à la manière des moines bouddhistes. Parmi les pépites sonores citons "Back Off" de Johnny Osbourne, "Chase The Devil" de Max Romeo, "Old Marcus Garvey" de Burning Spear ou "Police In Helicopter" de John Holt, un vrai Best Of Reggae en somme.
Pendant ce temps, Raging Fyah, qui n'a pas quitté la salle, déambule à travers le public puis prend place sur le côté de la scène pour assister à une partie de la prestation de Prince Fatty qui ne change pas de registre. Les classiques sont toujours présents comme "Queen Of The Minstrel" ou "Cuss Cuss" mais le manque de communication avec le public démotive les troupes qui désertent peu à peu à chaque morceau.
Il est temps d'envoyer l'artillerie lourde en la personne de Mad Professor que beaucoup attendent avec impatience. Il arrive avec ses antennes lumineuses et multicolores ainsi que sa lampe frontale verte et fait rapidement les présentations avant d'annoncer qu'il a quelques cadeaux à donner, notamment son dernier album à condition que le public se rapproche un peu. Cela fonctionne tellement bien que certains n'hésitent pas à monter sur scène pour un assaut en règle. Mais il en faut plus pour impressionner Mad Professor qui choisit de lancer les hostilités musicales avec "Warrior Style (Kunte Kinte)" de Macka B qui doit être brièvement interrompu pour raisons techniques, un câble s'étant débranché. Il poursuit avec "True Born African" de U-Roy & Sister Audrey puis "Madness" de Thriller Jenna devant un public conquis. Il est d'ailleurs temps de le récompenser en rappelant sa promesse du début de set. Mais il y a une petite énigme à résoudre pour décrocher le fameux cd de Luciano "Deliverance". La question est simple pour les fans et ceux qui ont suivi le début du concert puisque la question est : que signifie Ariwa ? Et la réponse est Communication !
On peut dire que ce concept est appliqué au pied de la lettre par le professeur fou qui n'est avare ni en parole ni en musique de qualité. Il reprend donc le cours musical de la soirée en précisant que, ce soir, tout serait remixé jusqu'à King Tubby. Et boum ! "Welcome To Jamrock" de Damian Marley, un morceau déjà terriblement efficace en soirée mais quand Mad Professor y met sa patte, ça donne un drum n' bass tout aussi percutant.
Some say dub was invented in Italy..
Some say dub was invented in Germany..
It was invented in Kingston, Jamaica !
Voici comment on lance un "King Tubby Meets Rockers Uptown " d'Augustus Pablo, un des chef-d‘euuvre du genre, avant┬á "Chase The Devil" pour la seconde fois ce soir, mais cette fois-ci c'est la version Ariwa par Earl 16 enchaînée avec "Ganja" de Macka B dynamitée par une rythmique drum n' bass. Toujours dans une interaction constante avec le public, Mad Professor lance alors un casting pour trouver des chanteurs pour une version de "No, no, no" de Dawn Penn et, encore une fois, c'est un succès avec un cd à la clé pour les chanteuses sélectionnées.
Il poursuit avec "Blood Dunza" de Johnny Clarke prolongée par une version dub où il joue les cuivres avec sa bouche, l'électronique n'a pas le contrôle sur tout ce soir. Il continue de piocher dans le répertoire de son label avec "Fast Forward Into Africa" de Ranking Joe ou "Guide & Protect" d'Aisha. Le public réclame aussi "Proud Of Mandela" de Macka B mais apparemment ce n'est pas en stock. Par contre, on y trouve un "Happy" au succès planétaire et qui fait son petit effet remixé encore une fois à la sauce drum n' bass.
L'ambiance est excellente aussi bien sur scène que dans le public mais ce fer de lance du dub anglais doit y aller :
I have to go.. Thank you very much and.. Good Morning !
Cela semble incongru mais effectivement, nous venons tout juste de passer minuit, de plus c'est une façon d'annoncer "Misty Morning" de Bob Marley. On reste dans le répertoire du Roi du Reggae avec le titre suivant puisqu'il ne faut pas pleurer même si ça sent la fin. "No Woman No Cry" sera le dernier titre mais surtout il sera coupé en plein vol. Quelques spectateurs ont beau reprendre la suite en chantant et en voulant plus, l'heure c'est l'heure, le spectacle est bel et bien terminé.